Fiche ressource | énergie

Valorisons les rejets de chaleurs de centres de données pour chauffer des serres

 
 
 

 Pourquoi ?

 
  • Les centres de données génèrent un déchet-ressource : la «chaleur fatale» Cette chaleur perdue par le matériel informatique et les systèmes de refroidissement, peut être récupérée afin de chauffer des bâtiments, de l’eau ou des serres. Les rejets des centres de données peuvent ainsi être une ressource précieuse pour le développement de serres urbaines. Les exploitants de centres de données pourraient-ils devenir de nouveaux acteurs de l’autonomie alimentaire au Québec?

  • Les centres de données sont les lieux abritant des serveurs où transitent toutes nos informations informatiques et numériques. La numérisation croissante de nos sociétés va de pair avec le développement gigantesque de ces infrastructures. Cette croissance n’est pas sans conséquences énergétiques et environnementales. L’industrie numérique représente 4% des gaz à effet de serre dont 53% sont imputables aux centres de données et infrastructures de réseaux. Il est donc nécessaire de rechercher des solutions visant à réduire l’impact de ces installations. La récupération de la chaleur fatale est l’une de ces solutions. 

 
  • Du fait de plusieurs facteurs (climat propice, bonne connectivité, énergie renouvelable accessible…), le Québec est un territoire privilégié pour l’établissement des centres de données et de plus en plus d’opérateurs devraient s’y installer. Hydro-Québec tente d’attirer ces entreprises en leur faisant profiter de l’électricité peu polluante.

  • La superficie des espaces de production en serre est amenée à augmenter pour améliorer l'autonomie alimentaire du Québec. Cependant, il est nécessaire de trouver des sources d’énergie alternatives de chauffage afin de ne pas alourdir leur bilan environnemental.

  • La pertinence de coupler des centres de données à des serres a été plusieurs fois soulignée dans la littérature notamment du fait de la compatibilité des températures en sortie et en entrée. La combinaison d’un centre de donnée et d’une serre agricole aurait aussi pour effet d'accroître l'efficacité énergétique du système dans son ensemble. 

L’industrie numérique représente 4% des gaz à effet de serre dont 53% sont imputables aux centres de données et infrastructures de réseaux

Potentiel sur l’île de Montréal

 
  • 37 centres de données ont été recensés sur l’île de Montréal principalement localisés en centre-ville mais aussi au nord-ouest de l’île à Ville Saint-Laurent, Pointe-Claire et  sur le long de l’autoroute 40.

  • L’étude Évaluation du potentiel de la valorisation des rejets thermiques réalisée en 2021 par des chercheurs de Polytechnique estime qu'au moins 3,5PJ de rejets thermiques à basse température seraient émis par les centres de données chaque année au Québec (sur la base des informations de 22 centres de données). 

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Centre de données recensés sur l’île de Montréal

 
  • En ne retenant que les centres de données localisés à Montréal et en considérant les besoins énergétiques des serres à 2GJ/m2, ces émissions de chaleur permettraient de chauffer théoriquement plus de 128 Ha de serres à Montréal

  • Les résultats de la récente étude de Bouthillette Parizeau Étude et proposition de solutions visant la récupération de chaleur d’un centre de donnée vers une serre pour le compte d’Hydro-Québec réaffirment la pertinence de couplage et montrent qu’un centre de données d’une puissance de 10 MW (IT Load) pourrait subvenir à 90 % des besoins de chauffage d’un complexe de serres d’une superficie de 125 000 m2 (7,5 terrains de football). 

  • Une étude menée par l’ETS a évalué les avantages de la valorisation de la chaleur fatale d’un centre de données pour le chauffage d’une serre, par rapport au chauffage habituel par combustion d’énergie fossile, en contexte québécois. Il en ressort que l’utilisation du système de récupération de chaleur du centre de données diminue de 66 % la consommation énergétique de la serre et les émissions de GES de 91 %.

Un centre de données d’une puissance de 10 MW pourrait subvenir à 90 % des besoins de chauffage de complexes de serres d’une superficie de 125 000 m2 

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Freins

  • Décorrélation entre la quantité de chaleur disponible des centres de données et les besoins de la serre (les centres de données rejettent davantage de chaleur en été quand ils consomment beaucoup d’énergie pour rafraîchir leurs serveurs or, c’est en hiver que les besoins de la serre sont les plus importants).

  • En cas d’utilisation d’un réseau de chaleur, les intérêts et les temporalités de projets divergent entre les promoteurs de centres de données qui engagent des retours sur investissements sur des périodes très courtes (entre 2 et 5 ans) alors que la contractualisation pour les réseaux de chaleur, contraint à des engagements plus longs.

  • Mise en place technique de la solution de récupération lorsqu’elle n’a pas été prévue sur le site à l’origine. 

  • Disponibilité d’un espace adéquat à proximité du site. 

  • Rentabilité de l’investissement face à un coût compétitif de l’énergie électrique au Québec.

  • Au-delà des freins économiques et techniques, les porteurs de projets sont bien souvent confrontés au secret industriel. En effet, les données concernant la consommation et l’émission de chaleur du procédé peuvent être jugées sensibles par les industriels. Cette culture du secret résultant du climat assez  concurrentiel reste très influente et le montage de projet est souvent freiné du fait de la difficulté d’accès aux données sur les flux de chaleur.

 
 

Leviers

  • Développer des réseaux de chaleur intelligents (dit 4ème génération) favorisant la mixité des usages et le partage de chaleur entre plusieurs usagers dont les centres de données et les serres agricoles. 

  • Conditionner des avantages fiscaux consentis au secteur des centres de données par la prise de mesures en matière de récupération de la chaleur. Il pourrait s’agir d’exiger la réalisation d'une analyse coûts-avantages permettant d'évaluer l'opportunité de valoriser de la chaleur fatale. 

  • Mandater un organisme  pour aider à faire émerger des discussions dans un climat de confiance entre les acteurs. En tant qu’acteur public neutre, la Ville pourrait jouer ce rôle et prendre des mesures réglementaires. 

Aides financières existantes :


  • Subvention ÉcoPerformance, octroyées par Transition Énergétique Québec (TEQ). ÉcoPerformance vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre et la consommation énergétique des entreprises par le financement de projets ou de mesures liés à la consommation et à la production d’énergie, de même qu’à l’amélioration des procédés.

  • La stratégie de croissance des serres du gouvernement du Québec propose un soutien financier aux entreprises serricoles, ce soutien est applicable au milieu urbain. 

 
 

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Exemples inspirants

Ils l’ont fait

 

Plantation paris

Île de France, France

 

Le projet Plantation de Cultivate en Île-de-France (Chapelle internationale) est l’une des plus grandes fermes urbaines en toiture d’Europe. Celui-ci abrite une serre productive de 1200 m2 chauffée par un réseau de chaleur alimenté notamment par un centre de données appartenant à la ville de Paris, situé au sous-sol du bâtiment.

Selon Sidney Delourme, co-fondateur de Cultivate, l’organisme étudie actuellement «d’autres pistes prometteuses pour la réutilisation de sources de chaleur en vue de chauffer des serres mais aussi pour les rafraichir en été!».

 

opération phoenix

Québec, Canada

Au Québec, l’entreprise Opération Phoenix qui loue de l’équipement informatique s’est allié avec le Caveau à légumes de Neuville, une ferme locale (rurale), pour chauffer leur serre de 200m2 à l’aide d’un tuyau qui y achemine l’air chaud de ses ordinateurs. 

 

Ils y pensent

qscale

Lévis, Québec

Le projet de l’opérateur de centres de données Qscale à Lévis prévoit d’alimenter en chaleur des serres implantées à proximité. Selon la ville de Lévis «Cet important gisement thermique permettra d’alimenter en chaleur plus de 100 hectares de serres qui seront aménagées dans la zone agricole, en périphérie immédiate du Dataparc, [...] contribueront de façon significative à l’autosuffisance alimentaire du Québec.».

 

Hypertec

Montréal, Québec

À Montréal, la compagnie Hypertec située à Ville Saint-Laurent travaille sur une technologie de contrôle climatique adaptée à la synergie entre centres de données et serres. La construction d’une serre tropicale de 250 000 p2 est prévue sur le toit de leur nouveau bâtiment, dans une  perspective de recherche et développement. 

Selon Éliot Ahdoot, directeur des affaires commerciales et innovations chez Hypertec, «l’objectif est de développer une solution technologique qui optimise le transport de l’énergie du centre de donnée à la serre avec un maximum de contrôle et un minimum de pertes. L’entreprise désire ainsi contribuer à l’autonomie alimentaire er réduire l’emprunte carbone liée à l’importation de fruits et légumes».

 

UBISOFT

Montréal, Québec

L’entreprise de jeux vidéos projette un investissement immobilier sur un terrain vacant appartenant à la Ville de Montréal, situé sur le boulevard Henri-Bourassa Est, à proximité du boulevard Saint-Jean-Baptiste, dans l’arrondissement de Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles. L’idée serait d’y développer « un projet de centre de données et d’agriculture urbaine». L’arrondissement Rivière-des-Prairies-Pointe-aux-Trembles s’est donné l’objectif de consacrer 30 hectares de son territoire à l’agriculture urbaine d’ici 2030.

 

Dernière mise à jour : mai 2022

 

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